Sur la route du Bengale

 

Passepartout, réveillé, regardait, et ne pouvait croire qu'il traversait le pays des indous dans un train du Great Peninsular Railway. Cela lui paraissait invraisemblable. Et cependant rien de plus réel! La locomotive, dirigée par le bras d'un mécanicien anglais et chauffée de houille anglaise, lançait sa fumée sur les plantations de cotonniers, de caféiers, de muscadiers, de girofliers, de poivriers rouges. La vapeur se contournait en spirales autour des groupes de palmiers, entre lesquels apparaissaient de pittoresques bungalows, quelques viharis, sortes de monastères abandonnés, et des temples merveilleux qu'enrichissait l'inépuisable ornementation de l'architecture indienne. Puis, d'immenses étendues de terrain se dessinaient à perte de vue, des jungles où ne manquaient ni les serpents ni les tigres qu'épouvantaient les hennissements du train, et enfin, les forêts, fendues par le tracé de la voie, encore hantées d'éléphants, qui, d'un oeil pensif, regardaient paser le convoi échevelé. (...)

 

Extrait du Tour du Monde en quatre-vingt jours de Jules Verne.